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Au Burkina Faso, des tablettes pour améliorer le diagnostic des enfants malades

Afin de réduire la mortalité infantile, près de 40 % des centres de santé ruraux du pays utilisent un pack d’applications d’aide à la consultation médicale.

Dans la petite salle de consultation du village de Song-Naba, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Ouagadougou, au Burkina Faso, une sage-femme tapote sur sa tablette numérique sous le regard curieux d’une mère et de son bébé de 5 mois. En cliquant sur l’écran à chaque inspiration et expiration du nourrisson, Salimata Ki mesure sa fréquence respiratoire. «Avant, on devait compter en regardant sa montre ou l’horloge, c’était fastidieux », glisse la femme en blouse rose.

Le centre de santé dans lequel elle travaille ne compte ni moniteur ni stéthoscope, et encore moins d’ordinateur. En revanche, Mme Ki dispose d’une tablette et de deux plaques solaires en guise d’outils de travail. Ici, tous les enfants de moins de 5 ans sont pris en charge avec la technologie Integrated e-Diagnostic Approach (IeDA), un pack d’applications Android d’aide à la consultation médicale et d’e-learning. Au Burkina, près de 40 % des centres de santé ruraux l’ont déjà adopté. C’est même le premier pays à expérimenter cette technologie en Afrique, où près d’un enfant sur dix décède avant l’âge de 5 ans. Une statistique que l’outil ambitionne de faire baisser.

Derrière son bureau, Salimata Ki finit l’auscultation de la petite Dyamilatou. Un dernier clic et le verdict s’affiche : simple toux, conclut le logiciel. « Revenez dans cinq jours », conseille l’agent de santé en lisant le message à l’écran.

« C’est plus sûr et ça va plus vite »

Depuis l’arrivée de cette tablette, en 2015, le quotidien de l’équipe médicale de Song-Naba s’est transformé. Fini les longues minutes à remplir les fiches de prise en charge des enfants et à chercher les différentes pathologies dans un livret. «Maintenant, il suffit de compléter le formulaire électronique avec les réponses des questions posées aux parents. L’appli nous donne ensuite le diagnostic et le traitement adapté », explique Mme Ki, qui juge l’opération « simple et rapide ».

C’est effectivement un gain de temps précieux pour les trois agents de santé du centre, qui doivent gérer en moyenne une quarantaine de patients par jour, en majorité des enfants, et jusqu’à 80 en période de pic. « Ici nous sommes à la fois ophtalmologues, dermatologues et pneumologues, alors difficile de tout maîtriser… Avant, il nous arrivait de faire des erreurs de diagnostic à cause du manque de formation et de la fatigue. On a gagné en fiabilité avec cette application, affirme l’infirmier en chef, Silvère Ouedraogo. Dès qu’on a un doute sur un symptôme, on peut cliquer sur un lien et visionner des vidéos d’illustration pour vérifier. On a aussi accès à des modules d’e-learning pour se former par exemple sur la fièvre ou la toux. »

Dans la salle d’à côté, Rihannata Tenkodogo, la mère de la petite patiente, repart, soulagée, avec une prescription de tisane d’eucalyptus au citron et au miel. « Ça me rassure qu’ils utilisent cette tablette pour la consultation de ma fille, je me dis que c’est plus sûr, ça va plus vite aussi », se réjouit-elle.

Près de 200 000 consultations par mois

L’idée de la technologie IeDA a germé dans l’esprit du Burkinabé Pierre Yameogo en 2010. A l’époque, il travaille comme médecin généraliste à Tougan, dans le nord-ouest du pays, et s’inquiète des chiffres élevés de la mortalité infantile. « D’autant que dans 80 % des cas, il s’agissait de maladies évitables », souligne-t-il. Au Burkina, le paludisme, les infections respiratoires aiguës, la diarrhée et la malnutrition restent les principales causes de décès des enfants en bas âge. « Il y a le problème de la pauvreté et de l’insalubrité dans certaines zones, ainsi que la difficulté d’accès à des soins de qualité, avec des structures de santé parfois trop éloignées ou manquant de personnel compétent », analyse le docteur Yameogo.

En 2003, le ministère de la santé a donc mis en place des fiches de « prise en charge des maladies de l’enfant » (PCIME), élaborées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unicef, dans les centres de santé périphériques, afin d’améliorer les diagnostics et d’aider les infirmiers. « Mais ces fiches étaient souvent mal renseignées ou incomplètes et peu d’agents étaient formés à ce protocole, si bien qu’ils les laissaient souvent de côté », pointe M. Yaméogo.

Il décide alors, accompagné du pédiatre Noël Adannou Zonon et du Français Thierry Agagliate, responsable de la cellule innovation de l’ONG suisse Terre des hommes, de numériser le protocole dans un logiciel didactique. Autour d’eux, beaucoup sont sceptiques, mais le trio persévère. « Avec IeDA, on ne peut pas tricher, les agents sont obligés de suivre toutes les étapes : vérifier les symptômes, l’alimentation, les vaccinations et prendre en compte l’environnement de l’enfant pour un diagnostic plus complet et exact. Grâce aux algorithmes, on réduit la probabilité d’erreurs », explique M. Yaméogo.

Depuis son lancement en 2011, plus de 2 600 professionnels de santé utilisent l’outil IeDA et effectuent près de 200 000 consultations chaque mois au Burkina Faso. Une phase pilote du projet vient d’être lancée au Mali et devrait être déployée au Niger d’ici à 2020.

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